Etre simple…Oui, mais le rester, vaincre la tentation d’une fausse excellence, de vilains gestes, de mauvais choix vestimentaires, uniquement pour paraître. Quelqu’un a écrit « c’est si simple » et il a ajouté »d’aimer »…
A l’époque, j’ai signé immédiatement sans lire les conditions, c’étaient mes folles années. Depuis, j’ai lu et je suis resté simple, même si le contrat n’a pas été entièrement respecté. Aujourd’hui, je baigne dans la simplicité, je me surprends avec mes mains pas très propres sur mes jeans et j’ai même vendu mes huit cuillers en argent, m’a grand-mère m’ayant quitté avant la douzaine! Non,tu vois,d ans cette belle simplicité, ce qui me désole parfois, c’est mon voisin, un bon type, mais que je soupçonne de médisance, soupçons que je cultive pour le bon voisinage. Il chuchote, à qui veut bien l’entendre, que je me complique beaucoup trop la vie. Tu te rends compte! Mais comment lui expliquer la simplicité, lui qui porte au quotidien son fardeau de principes -il est même à cheval dessus-.
Il me parle alors d’habitudes et qu’il ne faut pas tout mélanger. C’est vrai, nous avons tous nos petites habitudes et quelques principes parasites. On ne va pas chercher un appartement à Martigny, avec un t’shirt du FC Bâle, en principe! Le matin, au moment d’ajuster mes chaussures, c’est toujours par la droite que je commence, la même chose avec mon pantalon…Alors, principe ou habitude ?
Il faut respecter son cerveau, c’est tout. Même en rentrant avec les chaussures à la main, ton cerveau, certainement surchargé sait ce qu’il fait. En début de journée, en sortant de ma maison, je me dirige à droite, jamais à gauche, question d’éducation peut-être, et toujours accompagné de mon ombre fidèle. Mon personnage noir est ainsi devant moi; il me guide, on dirait; surtout, il respecte ma philosophie, celle de vivre son présent en regardant l’avenir. Il m’encourage pour un jour de plus et dans la fidélité, on ne fait pas mieux. C’est aussi la raison de mon départ à droite. La nuit, il ne m’abandonne pas, c’est alors mon ombre lunaire, plus discrète, plus pâle, inquiétante même. Mon personnage lunatique va croiser l’ombre du lampadaire qui tourne en comptant les heures et qui rassure un autre voisin invisible derrière son petit rideau.
C’est donc en toute simplicité que ce matin-là, mon chemin s’allonge et que je rencontre cet homme musclé qui agite une machine pétaradante et fumante. Lui, il coupe les ombres; il doit alors déplacer son sac à chaque ombre perdue, pour garder son contenu au frais!
Comme un dernier cri avant de toucher le sol et prouver s’il en est besoin son importance.
Inévitablement, j’arrive où mon ombre va se cacher, sous mes pieds; je veux fuir le zénith et me protéger pour attendre que ma terre tourne un peu et rentrer avec mon compagnon toujours devant…
Je cherche un arbre bien joufflu et évite la dangerosité des rayons.
Je voudrais rêver quelques instants, mais un rêve simple, d’une belle histoire, mon histoire. Je jouerai le premier rôle, avec mon texte, mes lumières, mon décor, un rêve seulement pour moi. J’y mettrai une histoire d’amour, si je veux! La mienne certainement, parce que platonique, où tout est possible… Nos ombres collées sur la route des fonds, deux mains unies sur la terre battue pour rejoindre la cascade et se perdre dans la poussière d’eau coloriée par notre soleil. Enfin, le rêve quoi! simple comme l’auteur, comme le spectateur.
Toujours devant, mon compagnon noir me montre le chemin du retour et je rentre dans ma maison par le nord. Une journée toute simple, mais comment expliquer à mon voisin qui a déjà les épaules cassées par le poids de ses principes.
Je renonce et continue à rêver,c’est plus simple.