Comme chaque année, aux prémices des grands froids d`hiver, je reviens à l’orée du village prendre mes quartiers. Là où je suis né. J’y retrouve ma maisonnette bien propre et parfois repeinte par deux couches. Le vent froid du nord est bien coupé, la pluie se casse sur son petit toit et la neige venue l’isole naturellement. Aux premiers gels, je me retrouve donc les pattes au sec avec les becquetées abondantes. Même si pour une bonne sélection, nous devrions nous débrouiller avec dame nature, il est tout de même agréable de pouvoir casser la graine à volonté en tout temps. Je partage ce petit espace avec la merlette grisonnante aux yeux déjà tristes et quelques vilains moineaux qui squattent toutes les maisonnettes du village dans une ronde bien organisée. Mauvaise surprise cette année pour mon retour, c’est un abri vide que j’ai trouvé, pas l’ombre d’une petite graine, rien de rien. Que se passe-t-il ? Suis-je en avance ? Pourtant, les cheminées fument, les fenêtres sont embuées et le givre tient bien la branche. De plus, le gros chat noir un peu raciste, le beau tigré très malin et la chatte angora bonne-mère ne sont plus à leur poste à surveiller nos allées et venues de leur œil mi-clos et hypocrite. Signes qui ne tromperaient pas la souris dernière de classe. C’est mon amie la merlette grisonnante aux yeux déjà tristes qui m’informe de la gravité, elle qui ne court plus la forêt pour l’amour, sait tout de l’actualité communale, et de m’apprendre que notre gentille grand-maman propriétaire de l’endroit est partie un jour de cet été.
Ses enfants ont porté de lourds bagages vers une grande voiture et s’en sont allés avec notre nourricière. Le plus grave, me dit la merlette grisonnante aux yeux encore plus tristes, il paraît qu’elle ne reviendra plus chez nous.
Les petits volets restent désormais clos. La neige s’accumule devant la porte fissurée et la pâle lueur de l’ampoule d’angle a disparu, L’endroit est abandonné comme notre maisonnette.
Mon amie, la merlette grisonnante aux yeux définitivement tristes me dit enfin qu’elle ne partira pas et que je pourrais lui rendre visite quand bon me semble. Jai repris mon envol en me promettant une pensée particulière pour Noël à toutes les grands-mamans et touts les grands-papas qui ne pourront malheureusement pas décorer le sapin au fond du salon car, dans les établissements médico-sociaux, tout est bien organisé.
Bien à vous. 02.10.2011